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Beeman La Grabugie 6

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Commentaires: 1
  • #1

    Lui (lundi, 26 août 2013 18:12)

    J'ai bien ri, c'est croquignolet, et pas guignolet, hein !

    Le monsieur au chapeau de la FDL hier à Chanceaux près Vers, ah non, Loches, plus gras et Prévert aurait bien sonnet, bonsoir très chère.

EXTRAITS

La bête suit le cours de l’Indre. Il a fait une descente dans les vignes du père Gaston, histoire de se rafraîchir. Il a la trompe qui colle et le bec sucré.

 

Il a survolé la rivière jusqu’à la Loire. Posé là, comme une abeille sur un pot de miel, ébloui par le miroitement du fleuve, il a repris son souffle.

 

— C’est bien la première fois que j’arrive aussi vite en ville !

 

L’église et le curé étaient bien loin  derrière lui. Il s’est posé sur l’île aux cars et s’est endormi sur le sable blanc tiède de soleil. Pas une âme qui vive pour déranger sa sieste.

Pas de bus bruyants dont il entend le ronronnement au loin. Il s’est toujours demandé pourquoi diable on avait appelé cette île de ce nom idiot. Un fondu du ciboulot de la ville qui avait bu trop de pastis ?

Le sommeil l’emporte. Ses rêves suivent le cours de la Loire. Des rêves étranges et chaotiques qui le laissent au réveil avec le cerveau plus embrouillé encore qu’après une bonne cuite.

Un nom a jailli de sa bouche engluée de pollen.

— Bangckok  !

Bang ? Passe encore, mais cock ?

— J’piccole sec, mais j’me drogue point ! Grommelle le graveleux en secouant sa pelure sableuse.

Et pourtant, ses ailes vibrent à la seule évocation de ce mot. Ça lui résonne dans le tétiot comme si la calebasse était vide. Un vrai son de bourdon !

Il n’a pas de dictionnaire sous l’aile, mais la bibliothèque municipale est toute proche. Il y a fauché ses premiers livres d’adultes, quand il essayait encore de briller devant la Madeleine.

Pas question de s’y rendre dans cette tenue débraillée. La maison Poulaga lui sauterait sur le paletot pour l’emmener au poste, ou..., où ?

Il n’existe pas de chenil pour abeilles et bourdons, ces gougnafiers seraient capables de le piquer !

La transformation a déchiré ses vêtements. Il faut aviser !

Un rapide tour de l’île et il débusque les hardes abandonnées d’un clochard ? Abandonnées ? Non, disons qu’il ne viendrait à l’idée de personne de faucher ces nippes emballées dans moult pochons plastiques. Un caddy sert de placard improvisé.

 

— Le bougre n’a pas laissé une goutte à siffler ! peste Beeman en poussant les cadavres du pied.

 

Il dégote une veste froissée et une chemise à carreaux, suffisamment amples pour masquer ses nouveaux attributs. Ses nouveaux vêtements lui donnent l’air d’un bossu. On lui donnerait l’aumône avec ses grattons aux joues et ses yeux rougis par le vent.

Il remonte le raidillon à pied et monte sur le pont. Ses jambes chancellent bien un peu lorsqu’il passe la grande entrée de la majestueuse maison. Il a croisé un roquet qui l’a sauvagement happé au mollet. La rombière hystérique qui promenait son chien-chien en a pété une durite lorsqu’il l’a envoyé dans les rosiers d’un bon coup de pied, non, mais ! Il l’aurait bien piqué, mais l’autre folle l’aurait dénoncé. Sa cheville suinte salement. C’est jaune et gluant…

 

— Marrant ! J’ai plus d’sang !

 

Beeman se gondole intérieurement. Faut pas laisser voir aux bonnes gens son jus d’abeille…

Beeman. La Grabugie 5

Les oiseaux affolés s’épouvantent en pagaille et les papillons serrent les fesses. Les guêpes et les frelons plient bagage. Les abeilles ne savent plus où donner de la trompe. Cette chose a pris leurs couleurs, mais cette odeur prégnante est épouvantable…

 

Le vrombisseur s’éloigne cahin-caha, le vol encore malhabile, suivi d’un essaim curieux qui se tient à bonne distance. Il passe au-dessus du village. Tout est calme dans le petit bourg de Trou les oies.
Les tourterelles désertent le clocher de l’église, effarouchées.

 

La mère Bertin étend ses draps dans la cour du presse clystère. Le curé est parti sonner les cloches aux vaches et la bonne femme en profite pour mettre ses affaires à l’air. Elle marmonne un cantique antique en tendant la toile rêche. Il aime bien que ça lui gratte la couenne, le curé ; ça l’aide à expier ses péchés.
Pour sûr que le Bon Dieu lui donnerait l’absolu scion en pour, d’ailleurs, il en a toujours un au chevet de son lit !



 


Beeman. La Grabugie 4



La Madeleine a repris ses esprits et subtilise la boutanche qui disparaît dans les entrax (2)  de sa blouse fleurie.
Dédaigneux, le gros lui tourne le dos et amorce le pot d’échappement. Le dégazage pestilentiel fait fuir bobonne et propulse le mutant quelques mètres plus loin.
L’atterrissage est douloureux. Il n’a fait qu’un rase-motte qui le met à genoux, flapi comme une chaussette mal essorée.


— Ah, ça ! C’est bien fait !


La Madeleine s’est réfugiée derrière sa fenêtre. Non sans un sentiment d’horreur mêlé d’admiration, elle assiste, impuissante, à la métamorphose de ce gros vers en bête ailée.


— Ça n’ressemble guère à un papillon…


La bestiole s’évertue à labourer le raygrass. Les mottes d’herbe volent, la terre s’émiette en giclées boueuses.
Le torse poilu de la grosse chenille rayée perle de sueur sous l’effort.
Soudain, la trompe s’allonge. D’un geste vigoureux, elle perce une tomate et la vide de son jus. La peau fripée pendouille bêtement sur le pied.
La Madeleine en est sur le cul.


— V’la t’y pas qu’il se met à sucer l’jardin ! Bon sang de bonsoir ! Mais c’est qu’il continue !


En effet, l’insecte suceur a aspiré goulûment une rangée de tomates.


— Ma ratatouille !



 

(2)  Dit à tort pour entrailles. Le charme de ces mots déformés dès l’origine…


Beeman. La Grabugie 3


 

Le gros Tony chancelle, à peine réveillé. Le beuglement de sa rombière l’a sorti du doux sommeil où il baignait. Il n’y voit goutte, ses yeux chiasseux peinent à s’ouvrir. Un deuxième hurlement lui sonne les étiquettes en réponse.
Sa femme tombe à genoux en se signant.

 


— Le Diable, c’est le Diable. Tu es possédé !
— Possédé ? Qu’est ce que cette vieille folle va encore inventer ?  

 


Intrigué, il se hisse devant le petit miroir carré entouré de plastique vert qui trône au-dessus de l’évier de la cuisine.
Là, il en prend un sale coup au moral.
Son cou a triplé de volume. Son visage n’est plus qu’excroissances protubérantes. Un champ de topinambours à ciel ouvert ! Du violacé, au blanc pisseux, sa peau est veinée de vilaines marbrures qui dessinent leurs sillons sur les tubercules prêts à éclater. Les boutons de sa chemise ont sauté sous le gonflement de son ventre. Seules ses oreilles dépassent à peine, intactes dans le plissé des boursouflures.

 


Mais le plus étrange, ce sont ces choses qui lui grattent le dos. Ça lui a percé le Marcel et ça soulève bizarrement la chemise… Et cette trompe qui lui pend au bout du tarin ? Son pifomètre bourgeonnant fait la tronche ? Le Tony se mouche.

 


Y a pas à dire ! Il lui a poussé une trompe !

 




 

Beeman. La Grabugie 2

La Madeleine ne s’embarrasse pas de salami (1)  ni de bigoudis. Un seau d’eau rince le pique-nique du piqué. Rien n’y fait. La cible de chair dort d’un sommeil aviné. Elle ronfle même, plantée de cent dards empoisonnés.

 

Bon, et ben ! C’est pas tout ça, mais la miche est là ! maugrée la bonne femme en installant ses miches sur une chaise branlante – rapport au gris Tono qui leur rend le pied fragile.


La Madeleine ne va pas s’en faire pour autant. Le melon frais, ça n’attend pas ! Elle s’attable. D’un solide coup de fourchette, le melon disparaît, suivi du bocal de pâté de lapin et d’une blanquette aux champignons. Un bon rot. C’est le petit rosé bien sec qui remonte. Un autre « burp » tonitruant et la Madeleine tranche dans la Tome blanche.

 

Le gros Tony marine encore dans le pastis. Son nez bourgeonnant frémit en ronflant. Il fait des bulles ! La morve gonfle, bulle translucide, et dégonfle au rythme de sa respiration.
Une frange verdâtre orne sa lèvre supérieure. Vert escargot, comme la bave qu’ils dégorgent quand on les met au gros sel avant de les faire cuire.




Beeman. La Grabugie 1

Beeman

 

Midi tapant. Le soleil monte glorieusement au zénith. Les marguerites éclatent de rire sous les rayons brûlants, à peine ombrés de chèvrefeuilles volubiles.

Les ramures s’envolent. Pas un brin d’air ne circule dans la touffeur. Les ramures s’envolent en zébrures bruitées. Bzz, bzz !

Les grappes légères vibrent de plaisir de se faire ainsi chatouiller.

 

Sous son parasol aux rayures défraîchies, le gros Tony enquille son troisième pastis. On ne sait qui titube le plus, du Tony, ou du parasol. La table suit un rythme oscillant.

La Madeleine apporte un plateau chargé de tranches de melon qui arrête instantanément le roulis du Tony.

Le goret n’attend pas le retour de sa mie partie chercher une grosse miche. D’une gueule pastichée, il croque dans la chair fraîche et laisse dégouliner le bon jus sucré sur son menton en graton spongieux.

Une tranche, puis deux. La table gite dangereusement sous les coups de boutoir du ventre de l’ignoble.

 

Les pieds torves du gros Tony agrippent le pied de table. Il a les pieds en canard, sans doute pour équilibrer la charge. Son pantalon pisseux roule sur sa bedaine frisée.

            Le ventre du Tony est une affaire ! Des insectes de toutes sortes aiment à s’y retrouver pour organiser des pique-niques géants. Vous savez, ces sorties à thèmes que l’on trouve sur Fèces de bouc ? En fait, le thème est récurrent ; boire et manger, et boire, reboire…

Il y a tout ce qu’il faut dans la pelouse ventrale du glavioteux. Pain à volonté, fromage, miettes de thon et maintenant, melon pour la boisson.

 

Le chèvrefeuille n’ondule plus sur le parasol. La nuée ailée s’est rabattue en dessous, attirée par le juteux plateau de cucurbitacée.

Le Tony ne l’entend pas de cette oreille. D’un élan rageur, il abat sa main sur la chair orangée qui résiste à l’affront. La main gluante repart à l’assaut. Un sauté de melon rebondit sur la nourrissante protubérance, noyant une harde de fourmis miettivore.

 

Las ! Le résultat ne se fait pas attendre. D’un bloc, l’essaim insulté se rue sur l’appât dérobé !

Les butineuses rageuses piquent l’effronté et la panse collante se met à gonfler.

 

Le boursouflé braille comme un porc éviscéré. Une dernière dardée le fusille en plein front.

Abattu, le gros Tony sombre dans un obscur cauchemar. La gent ailée et les insectes du lieu eux, se repaissent du brouet sirupeux qui nappe l’affreux.

 

La Mie ramenant la miche en est bien marie ! Voilà t’y pas que son mari sombre ainsi ventre à l’air tandis qu’elle revient ventre à terre ! En voilà une affaire !

Oui, car nous l’avons dit, le Tony est une affaire…

 

À suivre...